Depuis sa fondation il y a 6 ans, l’association Mesopotamia nourrissait un rêve :
organiser un voyage en Irak à la rencontre des communautés et du patrimoine. Ce
rêve est devenu réalité. Du 31 mars au 7 avril 2023, quarante personnes (32
français et 8 irakiens) ont cheminé entre Tigre et Euphrate, au cœur de cette
Mésopotamie où rejaillit la vie après la guerre.
« Ninive, Babylone, Ur … autant de noms qui résonnent en moi depuis toujours.
Jamais je n’aurais imaginé qu’un jour je foulerais ces terres bibliques. Et
pourtant… ». À l’instar de Danielle Waguet, tous les participants peuvent ainsi
témoigner d’une extraordinaire aventure humaine, culturelle et spirituelle.
Soutenu par la Fondation Saint-Irénée et organisé par l’association Mesopotamia,
ce voyage avait un triple sens : (re)découvrir un patrimoine extraordinaire qui
plonge aux sources de l’humanité, renforcer les liens fraternels avec la société
irakienne et soutenir les communautés chrétiennes et yézidies mises en péril par
les exactions des organisations islamico-mafieuses.
Parcourant l’Irak du nord au sud de l’Irak, de Mossoul à Ur, les voyageurs sont
passés par Qaraqosh, Karamlesse, Lalesh, Alqosh, Mar Behnam, Samarra, Bagdad
et Babylone. Toutes les visites ont été rythmées par des rencontres avec les
communautés et par les interventions du Cardinal Philippe Barbarin, du
professeur Joseph Yacoub et de Pascal Maguesyan, chargé de mission de
Mesopotamia. Mina Volovitch en conserve un souvenir émouvant : « Nous avons
pu à la fois, voir le courage des hommes et des femmes qui poursuivent les
reconstructions, qui avancent toujours, avec optimisme et sourire. Partout, nous
avons été accueillis chaleureusement et avec cœur, au sein des villes, dans les
monastères, les cathédrales, les églises et dans le cadre des magnifiques
cérémonies ».

Notre Dame de l’Heure

Dès le premier jour, le 1 er avril, dans la vieille ville dévastée de Mossoul, les
voyageurs ont eu le bonheur d’entendre sonner les nouvelles cloches du Couvent
dominicain Notre-Dame de l’Heure. Pour Pascal Maguesyan, c’était aussi une
première fois ! « Dans ce couvent si important pour l’histoire de Mossoul, que daesh
avait transformé en centre de torture, entendre sonner les cloches fut pour moi
comme un chant de libération ».
Sur la place Hosh Al-Bieaa autour de laquelle se dressent plusieurs églises
détruites, Etienne Piquet Gauthier a relu les mots du pape François, venu en
pèlerinage le 7 mars 2021 : « Si Dieu est le Dieu de la vie – et il l’est – il ne nous est
pas permis de tuer nos frères en son nom. Si Dieu est le Dieu de la paix – et il l’est – il
ne nous est pas permis de faire la guerre en son nom. Si Dieu est le Dieu de l’amour –
et il l’est – il ne nous est pas permis de haïr nos frères ».
À quelques mètres de là, la stupéfaction était à son comble devant le colossal
chantier de reconstruction de la cathédrale syriaque-catholique Al Tahira, là où il
n’y avait que ruines et désespoir quelques années auparavant.

Les visites à Mar Touma, Al Tahira, Al Bichara et Mar Paulos ont été l’occasion de
constater que partout dans Mossoul, les restaurations se poursuivent pour tenter
d’effacer les stigmates de la guerre, pour rendre vie à ces lieux et pour favoriser le
retour encore incertain des chrétiens dans leurs maisons.


Le deuxième jour, dimanche 2 avril, fut un des moments clé de ce voyage, avec la
procession des Rameaux, à Qaraqosh le matin puis à Karamlesse l’après-midi. En
effet, depuis le retour des populations dans leurs villes et villages d’origine, cette
fête populaire et religieuse grossissait au fur et à mesure des années. « Toute la
ville était en liesse, se souvient Danielle Waguet. Des familles entières étaient là,
avec enfants et poussettes, agitant des palmes et de petits drapeaux. D’autres sur les
trottoirs ou agglutinés sur les toits et les terrasses, poussaient des acclamations de
joie, les femmes et les enfants marchaient en costumes traditionnels (assyriens) aux
couleurs vives ». Danièle Pelen  était aussi présente : « C’est de leur confiance en
l’avenir, de leur foi et de leur espérance profonde et joyeuse que nous avons été
inondés en vivant cette extraordinaire procession des Rameaux : immersion totale
dans cette multitude colorée chantant à pleine voix la louange et la gloire de notre
Dieu : INOUBLIABLE »

Visite de Lalesh – Sanctuaire Yézidi

Lundi 3 avril, la caravane fit halte au sanctuaire spirituel yézidi de Lalesh, où les
fidèles viennent en pèlerinage par milliers. Ce jour-là était aussi Jour de Fête. Les
gestes fraternels des Yézidis ont beaucoup touché les voyageurs, comme
Danielle : « Dans cet endroit presque idyllique on avait du mal à penser au drame
que les Yézidis ont vécu, massacrés comme des bêtes par les djihadistes, les jeunes
filles vendues et réduites à l’état d’esclaves sexuelles ».
Cette florissante expédition réservait chaque jour de grandes découvertes. À
Alqosh, la tombe et la synagogue du prophète Nahoum ont été remarquablement
restaurées. Au monastère de Rabban Hormizd, les galeries troglodytiques et le
panorama somptueux sur la plaine de Ninive ont enchanté les visiteurs. Au
couvent Mar Behnam, la vie spirituelle est revenue après la reconstruction du
mausolée dynamité par daesh. À Samarra, l’archéologue Harith Jasim Mohammed
Ibrahim était si fier de présenter le minaret hélicoïdal, joyau de l’art abbasside
construit en 847. Enfin, c’est à Ur, en Chaldée, au sud de l’Irak, que ce voyage a
pris sa dimension biblique, dans la maison d’Abraham, tout près d’une
impressionnante ziggourat, où vint aussi le pape en mars 2021, donnant ainsi un
ton assez exceptionnel à ce périple.
Entre émerveillement et recueillement, plusieurs célébrations ont ponctué ces
journées irakiennes, notamment à la cathédrale Sayidat-al-Najatte de Bagdad, où
furent assassinés 47 fidèles le 31 octobre 2010.

Eglise Mar Youssef à Bagdad, messe du lavement des pieds

Enfin, la célébration du Jeudi Saint à la cathédrale Mar Youssef de Bagdad, par le
cardinal et patriarche chaldéen Louis Raphaël 1 er Sako, avec son vieil ami le
cardinal Philippe Barbarin. Dominique Nonnet se souvient : « les deux cardinaux
s’inclinent pour laver les pieds de 8 jeunes Irakiens et 4 Français de notre groupe,
geste tellement émouvant, qui reprend celui de Jésus et contient tout l’amour, le
soutien et le service mutuels entre nos deux pays ». Marie-Ange Denoyel, présidente de Mesopotamia, a vécu intensément cette expérience : « Au moment où le Cardinal Sako s’est abaissé devant moi, j’ai ressenti une vague d’émotion forte, un signe de l’Amour de Dieu si grand. Je me disais : c’est moi qui doit être au service des chrétiens d’Irak et pourtant en ce jour du Jeudi Saint, le Cardinal était notre
serviteur à l’image de Jésus ! Mes larmes ont ainsi coulé sur mes joues à la fois pour
la beauté de ce moment mais aussi pour la beauté de tous ces fidèles Irakiens qui
continuent leur route au nom de la foi ».
Pour tous les Irakiens rencontrés, ce voyage fut un grand moment d’émotion. Une
nouvelle source de joie qui les rassure aussi sur l’état et l’avenir de leur pays.
Ne les oublions pas !

Voyage en Irak, 
© Pascal Maguesyan / Mesopotamia, Blandine Giroud, Marie-Ange Denoyel, Dominique Nonnet – avril 2023